Laissez-moi vous raconter une petite histoire, celle des démêlés entre le fournisseur belge de liquidités sur les marchés crypto et la secrétaire d'État bruxelloise Barbara Trachte (Ecolo).
Si le récent avis du Conseil d'État est venu clore l'incident, qui remontait à 2020, en faveur du gouvernement de la Région Bruxelles-Capitale, la nature même du contentieux est symptomatique : elle révèle, une fois encore, le principe d'opposition idéologique par défaut des décideurs ou régulateurs face aux technologies découlant du bitcoin**.**
Un projet d'algorithme de trading intelligent
Rétroactes. Le 29 mars 2019, la scale-up crypto introduit auprès d’Innoviris, l'administration publique qui soutient la recherche et l'innovation régionale, une demande de subside dans le cadre des aides en faveur du développement expérimental. Montant : 633.442 euros.
Keyrock planche à l’époque sur un logiciel de market-making basé sur un algorithme de trading à haute fréquence intelligent. Ce projet de software-as-a-service doit permettre d’augmenter la liquidité et la transparence sur les plateformes crypto.
« Le coeur du projet résidera dans le développement d’algorithmes auto-apprenants basés sur diverses méthodes de machine learning permettant d’optimiser la visibilité de différents actifs digitaux ainsi que l’activité sur les marchés (et d’automatiser) la prise de décision afin de limiter l’importance de l’intervention humaine dans le processus », précise la société dans son dossier administratif.
Deux mois plus tard, Innoviris adresse justement un rapport à la secrétaire d’État chargée de la Transition économique et de la Recherche scientifique, concluant que les aspects technologiques et économiques requis sont rencontrés dans la démarche de Keyrock.
« Trop risqué pour le système financier »
L'administration propose ainsi à Barbara Trachte de réserver un accueil favorable à cette demande et d’accorder le subside demandé. Sollicité en juillet 2019 pour également s'exprimer sur l'octroi, l’Inspecteur général des Finances rend rapidement lui aussi un avis favorable.
Mais il se fait que le 27 février 2020, la Secrétaire d’État décidera de rejeter la demande de financement de Keyrock. La responsable Ecolo motive alors son refus par son « réexamen approfondi » du projet qui, à son sens, ne relève pas de l'intérêt général.
Barbara Trachte dit plutôt voir dans la solution expérimentale de Keyrock un « encouragement à des comportements spéculatifs des investisseurs sur des marchés peu ou pas réglementés » et une « contribution à l’apparition de nouveaux risques et à leur dissémination dans le système financier ».
Puis la secrétaire d'État bruxelloise énumère vaguement toutes sortes de menaces prétendument associées au projet de l'entreprise crypto, allant du danger de vente abusive aux risques spécifiques d'endettement, tout en passant par « l’absence de responsabilités clairement établies entre les développeurs de logiciels, les opérateurs de système et les utilisateurs ».
Vision erronée et contraire aux promesses politiques
En réplique, Keyrock introduira une requête en annulation auprès du Conseil d'État le 1er mai 2020. Des échanges de mémoires seront régulièrement échangés, des rapports d'auditeur et de conseillers seront produits, et s'ensuivront des audiences. D'abord en 2022, puis en 2023, donnant lieu à la réouverture des débats, nous amenant au prononcé de septembre 2024, rejetant la demande de l'acteur crypto belge qui a depuis acquis un statut de référence industrielle.
Keyrock a bien tenté de se défendre des accusations politiques portées indirectement par la secrétaire Trachte, à savoir stimuler la spéculation sur les marchés privés. Son projet de logiciel visait précisément à augmenter la liquidité et, par-là, à réduire la volatilité et le risque de manipulation. Autrement dit, décourager les comportements spéculatifs.
Dans un prolongement logique, Keyrock a contredit l'accusation politique voulant que le projet d'algorithme de trading participerait à l'émergence de nouveaux risques et d'un phénomène de tokenisation abusive. Là encore, l'entreprise a fait valoir qu'une titrisation abusive de tokens pourrait précisément entraîner un manque de liquidités et que son SaaS tendait à l'inverse à diminuer ces risques.
Quant à l'avis de Barbara Trachte stipulant que le projet de Keyrock n'était pas valorisable positivement du point de vue de l'intérêt général, l'entreprise a simplement fait remarquer que les services de liquidités accessibles au plus grand nombre étaient bénéfique pour tous les intervenants de marché.
Bref, une occasion idéale pour la Région de Bruxelles-Capitale de revendiquer le savoir-faire belge dans ce domaine présenté comme stratégique dans... la déclaration de politique générale du gouvernement.
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