Jour 1
Comment réguler l'IA dans le domaine de l'information ?
Emily Bell, directrice du Two Center for Digital Journalism, soutient que la régulation de l'IA pourrait équilibrer le terrain de jeu pour les médias. Malgré des défis techniques tels que la protection des consommateurs et la propriété intellectuelle, elle met l'accent sur l'importance d'encadrer l'utilisation des modèles de langage par les entreprises.
Natali Helberger, de l'Université d'Amsterdam, a relevé les problèmes juridiques liés à l'IA, en notant par exemple l'interdiction de l'utilisation de ChatGPT en Italie. Natali estime que la régulation de l'IA doit viser à restaurer la confiance dans les médias. Elle a souligné l'importance de choisir judicieusement les outils d'IA et de vérifier l'éthique de la base de données du produit.
Ritu Kapur a évoqué la détection par IA et a suggéré que l'IA doit faire l’objet d’une approbation gouvernementale pour son utilisation. Elle a partagé ses inquiétudes concernant l'IA générative, notamment ses problèmes de distorsion de la réalité (liés aux fake news et aux deepfakes). Selon elle, l'IA devrait être utilisée pour perfectionner et améliorer le produit de l'information, plutôt que pour inonder massivement les réseaux sociaux.
La question de la régulation de l'IA dans le domaine de l'information est complexe et comporte de nombreuses facettes, avec des enjeux juridiques, éthiques et techniques. Etablir une régulation qui soit à la fois efficace et équitable, sans freine l’innovation, est très complexe, mais c'est une nécessité pour garantir une utilisation responsable de l'IA dans le secteur de l'information.
L'avenir du journalisme est-il dans l'audio? L'IA montre le chemin
Cherly Brumley du Financial Times a commencé la conférence en soulignant la montée de l'audio assisté par IA. Elle a présenté l'évolution de “Tech Tonic”, qui évolue en un talk-show plus court, tout en intégrant parfois des séries longues. Elle a aussi mentionné le podcast "Hot Money".
Ezra Eeman de la NPO a discuté du potentiel de l'IA pour optimiser la production de contenu. Il a cité "A.I. Vodcast", conçu pour les enfants ayant des problèmes d'audition, et "Voice Cloning", une technologie qui a permis de créer un clone vocal du journaliste néerlandais Willem Oltmans sur base de ses journaux intimes.
Lean Beate Hamborg Pedersen d'Afterposten a expliqué comment son média a utilisé l'audio automatisé pour attirer les jeunes générations. Elle a aussi partagé une initiative pour aider les enfants dyslexiques en créant du contenu dans sept langues à partir des articles du média.
Ces interventions montrent l'importance de l'IA dans le journalisme audio. Que ce soit pour créer de nouveaux formats, améliorer la production ou répondre à des besoins sociaux, l'IA offre de nombreuses opportunités pour le futur du journalisme audio.
Jour 2
Le journalisme long format en temps de guerre
Le reportage long format a une importance cruciale en temps de guerre. C'est ce que souligne Nataliya Gumenyuk, journaliste ukrainienne spécialisée dans les affaires étrangères et la couverture des conflits, lors de la conférence "Audiences want depth and context, narrative and developed characters". Même en temps de guerre, la vie continue et les histoires de gens ordinaires méritent d'être racontées.
Gumenyuk met en avant l'importance de traiter ces personnes avec compassion et empathie et de restituer leur histoire de la manière la plus fidèle possible. Elle raconte notamment l'histoire d'un musicien de rue qui a composé une chanson sur sa vie en temps de guerre. Ces histoires personnelles et profondément humaines fournissent un contexte essentiel pour comprendre l'impact de la guerre sur la vie quotidienne.
Gumenyuk insiste également sur le fait que les Ukrainiens ont une identité nationale forte et une culture propre. Il est donc essentiel de raconter ces histoires pour faire connaître cette réalité à l'étranger.
Cependant, la journaliste souligne que le paysage médiatique est plus favorable aux histoires courtes qu'aux longues, principalement en raison des coûts et du fait que seuls certains segments de l'audience apprécient le long format. De plus, le financement de ces reportages au long cours est difficile, car ils ne sont généralement pas une priorité pour les médias. Malgré ces défis, Gumenyuk continue de défendre ce type de reportage comme un outil essentiel pour comprendre et raconter la complexité de la guerre et ses impacts sur les individus et la société.
Jour 3
Pourquoi une organisation de presse existe-t-elle ?
C’est la question à laquelle un panel d'invités a tenté de répondre dans un contexte tumultueux de transformation de l'industrie des médias accélérée par l'intelligence artificielle.
Styli Charalambous, co-fondateur de Daily Maverick, a souligné la nécessité pour les médias de clarifier leur identité et leur mission auprès du public. Selon lui, les médias doivent se poser comme défenseurs de la démocratie et guides dans la vie des gens. Le défi est de toucher et de répondre aux besoins d'une audience de plus en plus fragmentée.
Janine Gibson, rédactrice en chef du Financial Times Weekend, a rappelé ironiquement que son média existait parce que “le public paye pour cela”. Elle ajoute que “le Financial Time se donne la mission de porter un regard critique sur le capitalisme.” Selon elle, l'IA générative remet en question la mission profonde des médias et l’utilité de la presse.
De son côté, Ulli Koppen, responsable du laboratoire d'IA et d'automatisation du Bayerischer Rundfunk, a insisté sur le fait que la technologie, et en particulier l'IA, doit servir les médias dans leur mission de service public. Elle a donné l'exemple d'un prototype d'audio personnalisé qui, de façon algorithmique, adapte le contenu suivant le code postal de l'utilisateur. Selon elle, malgré l'utilisation de l'IA, il est essentiel de parler directement aux gens et de ne pas s'éloigner de la réalité du terrain.
Ces différentes perspectives soulignent l'importance de renforcer la mission des organisations de presse dans un environnement médiatique en constante évolution. L'IA pose de nouveaux défis mais offre également des opportunités pour mieux répondre aux attentes du public.
Jour 4
Le désintérêt du public envers l’actualité
Comment freiner le désintérêt du public envers l’actualité ? Les journalistes Benjamin Toff, Ruth Palmer et Rasmus Kleis Nielsen tentent d’y répondre dans l’ouvrage “Avoiding The News” qu’ils ont présenté durant leur talk à Pérouse.
Durant les premières minutes du talk, ils détaillent les segments de l’audience qui se désintéressent de l’actualité, principalement les personnes issues de milieux précaires et défavorisés.
Benjamin Toff expose quelques facteurs de la perte de confiance du public envers les médias : l’anxiété des nouvelles, l’éloignement des médias de la réalité du terrain, la négligence de raconter le quotidien des gens. S’il y a désintérêt du public envers les médias, c’est qu’il y a désintérêt des médias envers la vie de son audience.
Il importe à la presse, pour toucher à nouveau ses publics, de comprendre les besoins de l’audience, de raconter le quotidien, les préoccupations et les difficultés des gens.
Identifier la désinformation de l’IA
La montée exponentielle des outils d'intelligence artificielle générative inonde la toile d'images synthétiques. Cette tendance amplifie le phénomène des fake news en produisant des images qui déforment ou inventent des faits d'actualité.
Joscha Weber, responsable du service fact-checking au média allemand Deutsche Welle, a présenté quelques méthodes pour démasquer ces artifices, démêler le vrai du faux dans une période marquée par une perte de confiance du public aux médias.
Pour debunker une image synthétique, tout repose sur l'observation et la compréhension des limites des outils d'intelligence artificielle générative. Joscha Weber conseille d'observer les détails et la cohérence d'une image, notamment dans les proportions du corps, la perspective et les artefacts de pixels. Ce sont des défauts inhérents aux hallucinations d'une intelligence artificielle telle que DALL-E, Midjourney, Stable Diffusion, entre autres.
La vallée de l'étrange (uncanny valley) est un phénomène connu depuis longtemps dans l'industrie du cinéma lorsqu'il s'agit de rendre le double digital d'un acteur. On perçoit que quelque chose dans le mouvement ou la physique du personnage ne correspond pas à la réalité. Il en va de même, de manière exacerbée, pour les images générées par IA. Ces outils ne comprennent ni la physique, ni ce qui rend une image photoréaliste.
Joscha Weber a cité quelques outils d'IA pour détecter si une image est synthétique(Hive Moderation, TrueMedia…), mais ils manquent d'efficacité et ne remplacent pas la vérification manuelle de la véracité d'une image.
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