Les "fuites de données" sont à internet ce que les fuites sont aux réseaux de distribution de l'eau. Inévitables, potentiellement dangereuses mais avec un minimum de précaution, depuis le pompage jusqu'au robinet de votre cuisine, les utilisateurs gardent les pieds au sec.
Donc, non, "92% des utilisateurs de LinkedIn" ne sont potentiellement pas concernés par une fuite de leurs données personnelles, comme répété par la police fédérale sur différentes chaines de télévision et sites médias belges ce week-end.
Pour la simple et bonne raison que 100% de ces données avaient déjà été rendues publiques. Par les utilisateurs eux-mêmes.
Certes, elles ont été "scrappées" (collectées de manière automatique), en juillet dernier, selon une technique aussi vieille que le html et tout-à-fait légale au demeurant (ce qui ne veut pas dire que l'usage fait de ces données par la suite soit légal, c'est un autre débat), mais la sécurité de LinkedIn n'a à aucun moment compromise.
Cette "fuite" n'en était donc pas une.
Aucune attaque n'a été repérée sur les serveurs de LinkedIn, aucun mot de passe n'a été compromis, aucune plainte n'a été déposée contre LinkedIn et l'action en bourse de Microsoft, qui a racheté LinkedIn en juin 2016 et qui n'aurait pas manqué de dévisser sévère si "92% des utilisateurs avaient supprimé leur compte pour en refaire un nouveau", n'a pas frémis d'un pixel, continuant même sur sa lancée avec une croissance globale de 15% sur le mois écoulé.
Xavier Degraux, consultant et spécialiste LinkedIn, revient également sur cet épisode et la façon assez symptomatique dont cette "info" a été traitée par les rédactions ...
Reste que, évidemment, comme le rappelait également la police ce week-end, sécuriser l'accès à votre ordinateur, vos connexions aux réseaux sociaux (avec la double authentification, par exemple), utiliser un VPN sur les Wifi ouverts, diversifier vos mots de passe et ne pas les faire circuler par mail ou sms, constitue en effet d'excellents conseils pour éviter que des robots cambrioleurs ne s'introduisent trop facilement dans votre chez vous numérique.
Et, oui, bien sûr, il faut faire attention en ligne à ce que vous donnez à voir de vous et de votre vie. Si vous vous baladez tout nu, dans la "vraie vie" ou dans la rue numérique, sur les réseaux sociaux, ne vous étonnez pas si un jour votre nombril se retrouve en story quelque part, si votre employeur découvre vos abdos ou si vous commencez à recevoir de la pub pour des slips kangourous ou une promo pour un régime Keto.
Rien de bien neuf sous le soleil de la data, mais ça fait toujours du bien de le rappeler: à partir du moment où vous décidez d'appuyer sur "publier", peu importe les infos concernées (votre nombril, votre chat, votre mail, votre coup de coeur ou de gueule sur la nouvelle cravate d'Eric Zemmour), ces informations quittent le champ de votre vie privée et s'envolent vers l'intergalactique océan des données personnelles des 4 milliards d'individus connectés aux interwebs.
Tout ce que vous laissez comme traces pourra être retenues contre vous, devant un tribunal juridique ou populaire, analysées, compilées, recoupées par différentes administrations et exploitées les marchands de sacs, de sable ou de vent.
Et si, en matière de fuite, l'âge et l'expérience nous apprennent généralement à utiliser de bonnes protections, n'oubliez jamais non plus qu'en plomberie comme en informatique, la principale faille se situe souvent entre le clavier/le robinet et la chaise 😉