CAT: Depuis Paris, où il donne cours à des futurs journalistes, Damien vous nous parler aujourd'hui de cette belle histoire, une histoire comme seul internet est capable de nous en offrir. Des internautes ont en effet été à deux doigts de réussir à acheter la constitution américaine.
Dam: oui, c’est un document exceptionnel qui a été mis aux enchères le 18 novembre dernier chez Sothebys, à New York . Une véritable relique puisque qu'il s'agissait d'une des 13 dernières copie papier certifiée de la constitution américaine, rédigée en 1787,. Une vente qui a atteint un record: 43 millions de dollars mais surtout qui a été l'occasion de constater une nouvelle fois la formidable capacité qu'on les individus connectés et en réseau à soulever des montagnes.
Enfin presque, puisque le collectif de 17000 internautes qui s'était mis en tête de "rendre la constitution au peuple", c'est comme ça que l'initiative était présentée, et bien elle a échoué, sur le fil, alors qu’il n'avait plus qu’un seul concurrent, mais non des moindres, d'un des hommes les plus riches au monde, le business man Kenness Griffin, qui a remporté l’enchère à la toute dernière minute.
CAT: Mais d'où venait l'argent ? Comment des internautes ont-ils pu réunir une telle somme, on parle de 40 millions de dollars, ce n'est pas rien ?!
DAM: Effectivement, en 5 jours, plus de 17.000 personnes donc se sont rassemblées autour de ce projet complètement fou, utopique et à vrai dire personne n'y croyait au début, quand sur les réseaux sociaux, sur Twitter et Discord, l'idée de réunir une telle somme à commencer à se répandre comme une trainée de poudres. Sauf que voilà, les technologies de finance et d'organisation décentralisée sont devenues aujourd'hui tellement efficaces qu'en se déléguant les uns aux autres la capacité de voter et de se choisir des rôles en ligne, facilement et pourtant sans jamais s'être vus ou rencontrés dans la vraie vie, et bien ils ont réussi à convaincre des sociétés, des entreprises cotés en bourse, mais aussi des ONG et beaucoup de particuliers, de participer à l'aventure. Une aventure très symbolique donc, avec une volonté de marquer les esprits en restituant au peuple américain ce qu'il a de plus cher, ses droits et ses libertés tels que définis par les Pères Fondateurs.
CAT: Oui, mais ils n'y sont pas arrivés, donc qu'est ce qu'ils vont faire de tout l'argent qu'ils récoltés ? Ils vont le rendre à tous les donateurs ?
DAM: oui, c'est un peu comme si une gigantesque campagne de crowdfunding express n’avait pas réussit à atteindre son objectif. Dans ce cas-là, tous les sous sont rendus à ceux qui les ont donné. Sauf que c’est pas forcément aussi simple que ça. Les internautes avaient en effet décidé de se passer des banques traditionnelles pour récolter l'argent et tous les dons qui avaient été récoltés, l’avaient été en crypto monnaies, ce qui entraine des frais qui sont parfois très importants. Mais puisque tous les dons ont été certifiés, grâce à la blockchain chacun des participants peut à nouveau décider de ce qu'il veut en faire. Soit récupérer l'argent soit le garder pour une autre opération du meme genre, une décision qui pourrait faire elle-même l'objet d'un nouveau vote de la communauté. Finalement, il a été décidé que l’argent allait être redistribué, mais ce cercle vertueux démocratique qui est en train d'émerger de cet échec a une autre conséquence très positive, c'est que la maison Sotheby's a accepté que leur enchère soit prise au sérieux, et ça ça n'était pas gagné d'avance
CAT: c'est ça aussi qui est assez remarquable. Sotheby's a accepté que les internautes participent, avec des cryptommonaies. Ils on été pris au sérieux alors que s'ils avaient gagné, la constitution n'allait pas être déchiréée en 17000 morceaux. Comment est-ce qu'il auraient fait ?
DAM: Oui, et ça montre bien à quel point la technologie, la blockchain et les cryptommonnaies sont désormais acceptées comme des outils de financement et de gouvernance, nouvelle, différente, avec moins de hiérarchie et beaucoup plus de confiance. Alors certes, c'est encore loin d'être parfait et il y encore beaucoup de questions, légales, juridiques et morales qui vont devoir être réglées et débattues au sein de ces organisations décentralisées, mais elles ont au moins le mérite d'avoir lieu sur la place publique, devant tout le monde et avec des traces qui sont désormais conservées à ciel ouvert, dans la blockchain.
Si le collectif avait réussi à gagner l'enchère, la communauté avait décidé de rendre la constitution accessible à tous les musées américains, qui auraient ainsi pu l'exposer et la faire circuler un peu partout dans le pays. Il n’ont pas pas réussi mais ce n'est que partie remise
Et pour la petite histoire, Kenness Griffin, qui a remporté l'enchère et est reparti avec la constitution, est le patron de la société Citadel, une des entreprises considérée comme la figure de proue des Hedges Funds et des Subprimes. Bref une sorte de pied de nez de la Finance traditionnelle face à ces nouveaux entrepreneurs du web et des cryptommonaies. Si David n'a pas encore triomphé de Goliath, mon petit doigt me dit que la bataille ne fait que commencer