Depuis quelques semaines, les amateurs d’arts, et en particulier d’arts numériques, sont sur le qui-vive. Plusieurs artistes ont effet décidé de vendre leurs oeuvres de manière électronique, via une technologie identique à celle qui supporte le Bitcoin. C’est ce qu’on appelle le "crypto-art", c’est-à-dire dire le mariage entre l’art et les cryptomonnaies.
L’artiste Beeple, alias Mike Wunkelmann de son vrai nom, qui depuis 10 ans crée un oeuvre numérique par jour, a lancé le mouvement il y quelques semaines en faisant une vente aux enchères d’une série de ses oeuvres. Une vente qui lui a rapporté presque 3 millions d’euros en un week-end.
Le principe derrière ces ventes numériques, c’est ce qu’on appelle les NFT, les NON Fongible Token, en bon français, ce sont des jetons numériques, une sorte de tampon virtuel apposé sur les objets numériques grâce à la blockchain, la technologie qui supporte les crypto-monnaies comme le bitcoin et qui permet d’authentifier une oeuvre, de certifier que celle-ci existe bel bien de façon unique, même si des copies de celle-ci peuvent être réalisées très facilement, puisque nous sommes dans le numérique.
L’oeuvre de Beeple, par exemple, intitulée Crossraod et qui représente Donald Trump allongé au sol recouvert de graffiti, a été adjugée 6,6 millions de dollars. Et pourtant il en existe des copies partout à travers internet. Sauf que l’auteur a déposé l’original sur un site de NFT, qui l’a certifiée et authentifiée et assure donc qu'elle peut être vendue comme telle à des collectionneurs. C'est exactement le même principe que pour une oeuvre normale comme la Joconde, un tableau de Van Gogh ou un texte de Victor Hugo.
De la chanteuse canadienne Grimes, qui a mis en vente une collection numérique d’oeuvres d’art, baptisée « WarNymph », et qui récolté 5,8 millions $, en passant par le groupe Kings of Leon qui a sorti un nouvel album également disponible en NFT, ou encore Jack Dorsey le patron de Twitter qui a mis aux enchères le tout premier Tweet paru sur la plateforme en 2006, une enchère qui atteint déjà 2,5 millions de dollars, c’est une véritable ruée vers l’or spéculative qui est en train de s’emparer du marché de l’art.
Dernier fait d’armes en date, un tirage authentique de la gravure Morons (White) de Banksy, tirée à 500 exemplaires en 2006, cette édition a été brûlée au cours d'une performance filmée en direct sur Youtube. L’oeuvre s’est aussitôt réincarnée en NFT sur internet dans une tentative assumée par les auteurs de transférer une oeuvre réelle dans le numérique en effaçant la trace de celle-ci dans le monde physique.
L’acheteur devient propriétaire et peut constituer une collection dont tout le monde peut profiter. Mais ll n’a en aucun cas la possibilité de détruire ou d’effacer l'oeuvre. L’acheteur ne bénéficie ni des droits d’auteur, ni de la marque, ni même la propriété exclusive de ce qu’il achète. Il a juste l’assurance que sa copie est « authentique ».
C’est d’ailleurs ce qui fait tout l’intérêt de ce mouvement, il se base sur une technologie qui désormais reconnue pour être parmi les plus sécurisées au monde, la blockchain, pour la rendre accessible aux fans et aux collectionneurs qui n’ont pas les moyens de se payer de l’art comme dans les grande galerie ou les musées.
Ainsi la ligue national de basket aux Etats-Unis, la NBA a lancé Top Shot des cartes à jouer virtuelles. Il s’agit en fait d’une collection de vidéos d'actions incroyables réalisées par des basketteurs. Ces vidéos sont visibles gratuitement sur Youtube mais elles sont aussi vendus en parallèle sous forme de NFT.
En Europe, la start-up Sorare propose elle aussi des cartes virtuelles de footballeurs cette fois, à collectionner et à utiliser dans des ligues virtuelles.
C'est un petit peu la version moderne des cartes Panini de notre enfance. Des joueurs comme Antoine Griezmann et Gérard Piqué ont d’ailleurs investi dans cette startup.
Attention tout de même, c’est un marché très spéculatif. De toutes les ruées vers l'or, ce sont toujours les vendeurs de pelle qui sont sortis les grands gagnants et du jour au lendemain les NFT peuvent s’écrouler et ne plus rien valoir du tout, notamment si la réputation de l’artiste est entachée d’un scandale. Mais c’est aussi le propre du marché de l’art depuis toujours.
Reste que techniquement, la blockchain continue de faire ses preuves comme « cahier comptable des transactions en ligne », et que pas mal de professions et d'institutions risquent bien de se retrouver complètement dépassées si elles n’embarquant pas très vite dans ce train technologique. On peut par exemple penser aux société de gestion de droits d’auteur, de propriété intellectuelle encore les notaires dont le métier est justement d'authentifier des transactions.