Retour sur un week-end de rencontres et de discussions sur l’avenir de la filière électrique dans l’automobile, à l’occasion du 1er Grand Prix de Rome de Formule E.disclosure: j’ai assisté à ce GP à l’invitation de Jaguar. Je n’ai pas été rémunéré pour y participer, ceci n’est donc pas un post sponsorisé.)
Au terme de ces deux jours, voici quelques réflexions complémentaires, tout-à-fait personnelles, en plus de tout ce qui a déjà été dit et expliqué lors des directs et dans les commentaires des vidéos ci-dessous.
Le switch du fossile vers l’électrique est massif et sans retour possible en arrière.
Les conditions n’ont jamais été bonne pour une adoption à grande échelle de cette technologie, rendue possible par deux déclencheurs majeurs: le mise en opensource des brevets Tesla par Elon Musk, qui a fait s’engouffrer tous les constructeurs, et le #dieselgate Volkswagen qui a fait shifter les consommateurs vers le renouvelable. Les investissements sont colossaux et la « supply chain » risque bien d’être le talon d’Achille de Tesla vis-à-vis de ses concurrents, rôdés à l’exercice même s’ils ont dû s’engager dans un processus d’innovation qu’ils ne souhaitaient pas forcément devoir tout de suite rentabiliser.
Les constructeurs « traditionnels » ont accusé le coup mais sont aujourd’hui en ordre de bataille. La compétition sportive est et reste la vitrine de leurs talents d’ingéniérie, raison pour laquelle 11 d’entre-eux aligneront dès la saison prochaine leur véhicule en Formule E. La guerre s’est déplacée de terrain, mais tout est en place pour vivre dans les années qui viennent une accélération technologique du même ordre que celle vécue avec l’informatique et l’accroissement exponentiel des capacités de calcul et de stockage.
L’argumentaire écologique concernant l’électrique tient plus, à ce stade, du greenwashing que de la réelle volonté d’une industrie de se réinventer vite, fort, et surtout sans laisser la moindre chance à d’autres acteurs (Tesla aujourd’hui, et demain Apple ?) de venir leur tailler des croupières. L’électrique coûte cher, environnementalement parlant, et m’est avis qu’on n’en n’est pas au dernier scandale de prise la main dans le sac, du genre « il jetait ses piles usagées dans la nature ! » .. Reste que chaque litre de pétrole qui ne finira pas en gaz d’échappement ou en particules fines dans les poumons des citadins est plutôt une bonne chose.
Idem en ce qui concerne l’auto-pilot. Chaque conducteur.trice maladroit.e, énervé.e, fatigué.e, bourré.e qui sera retiré.e de la circulation est, à mes yeux, la meilleure chose qui puisse arriver à l’humanité depuis l’invention de la roue. On en est loin, techniquement, et, humainement, le quota d’individus qui ne devrait plus jamais toucher un volant de leur vie ne fait qu’augmenter. Mais soit. L’idée est bonne et puis de toute manière, Marty l’avait prédit.
Pour le reste, en terme de spectacle, le sport automobile électrique n’en n’est encore qu’au stade banal. Il manque le bruit, l’odeur, les vibrations … les sens ne sont pas soumis aux mêmes variations et les sifflements d’air ne suffisent pas à combler l’absence des pétarades et des fuites d’huiles sur la piste quand, par (mal)chance, l’humain se montre faillible et envoie son bolide dans la balustrade (chose que l’IA aurait certes sans peine évité, mais au risque de rendre l’attraction chiantissime, chose que les marques, les sponsors, les partenaires et la foultitude de prestataires qui gravitent dans l’écosystème du sport automobile ne peuvent définitivement pas se permettre).
En caricaturant un peu, je dirais que si le moteur à explosion consacre le sport, l’électrique ferait sans doute mieux de se consacrer au transport …
La suite sera tout de même bigrement passionnante à observer, tant les évolutions à venir vont être nombreuses, puissantes et pas forcément sans conséquence, notamment en terme d’emploi (le soir-même du GP de Rome, la BBC titrait sur la délocalisation de la production de l’I-Pace, le premier véhicule 100% électrique de Jaguar, de la Grande-Bretagne vers l’Autriche), mais la tectonique des plaques est bel et bien en train de bouger. De nouveaux jobs, de nouvelles perspectives environnementales, de nouvelles habitudes de consommation à bord (vous saviez qu’Alexa, d’Amazon, fait partie de l’équipement des Jaguars. Qu’écouterez et/regardez-vous pendant vos trajets lorsque votre voiture vous emmènera toute seule au boulot ou en vacances?), voir même des nouvelles manières de ne pas acheter de voiture mais de les partager intelligemment, grâce aux algorithmes.
Et puis, pour finir, espérons aussi qu’un jour la voiture cessera d’être un gage de virilité sur lequel s’alanguissent les clichés. C’est sans doute aussi à cela que l’on reconnaitra que l’automobile est vraiment entrée dans sa modernité …